4. Nous devons sauver la terre
Le réchauffement de la terre est indéniable
Besoin d’eau et inondations
Il y a deux ans, une vague d’inondations a dévasté les régions belges situées autour de Liège et Verviers. Ce qui avait commencé comme une averse soutenue s’est transformé en déluge et la Wallonie et une partie du Limbourg ont subi de graves inondations qui ont fait beaucoup de victimes et dégâts matériels. En Allemagne et en Autriche, des inondations ont eu un impact analogue. Le phénomène est entre-temps devenu récurrent. En 2023, la Lybie, l’Italie, l’Espagne, les pays des Balkans, la Scandinavie, l’Australie et le Canada ont à leur tour connu de graves inondations. L’encre de ce livre sera à peine sèche que d’autres pays et régions seront certainement venus allonger la liste.
Les années écoulées ont également vu une augmentation des incendies de forêts. L’Europe du Sud doit simultanément faire face à des vagues de chaleur et des pénuries d’eau. Tout cela doit nous alerter : les conséquences du réchauffement de la planète sont devenues un problème global. Pendant l’été 2023, des températures jusqu’à 45 °C ont été mesurées en Espagne et des touristes ont dû être évacués de Rhodes parce que les autorités ne parvenaient pas à maîtriser les incendies de forêts.
Le reste du monde souffre aussi du réchauffement climatique. Les gigantesques feux de forêt d’Australie en 2020 et les graves incendies de Californie en 2022 sont encore dans nos mémoires. A Hawaï, un terrible incendie a également éclaté en août 2023.
La montée progressive du niveau des mers et la fonte des calottes glaciaires ne sont plus mises en doute que par les climatosceptiques les plus durs. Les îles et communautés côtières ressentent déjà maintenant les effets directs du réchauffement climatique. En plus de la montée des eaux, nombre d’îles et archipels sont ravagés par des conditions climatiques extrêmes. Comme Tuvalu au milieu de l’Océan Pacifique. A cause de l’augmentation du niveau des océans, l’île pourrait devenir inhabitable d’ici 50 ans.
‘La terre ne se réchauffe pas, elle cuit.’
Garder la tête dans le sable ou passer à l’action ?
A l’instar de figures telles que Donald Trump, nous pouvons naturellement enfouir notre tête dans le sable et nier ce phénomène naturel indéniable. Ou refuser d’admettre que c’est à cause du comportement humain que nous assistons au réchauffement de notre planète. Ce serait une énorme sottise. Une meilleure alternative, ou la seule en fait, consiste à regarder la dure réalité en face et essayer de faire quelque chose. De plus en plus de personnes en sont désormais convaincues. Tous ces problèmes de climat ne s’arrêtent pas aux frontières d’un pays ou d’un continent, et doivent dès lors être abordés au niveau international.
Le panel climat des Nations Unies a lancé une mise en garde plus claire encore en mars 2023. Nous pouvons encore éviter un cataclysme climatique, mais il faut alors que tout le monde se retrousse les manches. Cela nécessitera une révolution. Si nous faisons tous des efforts entre maintenant et 2030, nous pouvons encore rectifier pas mal de choses mais il faudra pour cela mobiliser tous les moyens disponibles, sans la moindre hésitation. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres. En juillet 2023, Guterres a déclaré que nous n’étions plus dans une période de réchauffement climatique, mais que nous avions atteint une era of global boiling. La terre ne se réchauffe pas, elle cuit.
De nombreux facteurs sont à l’origine des problèmes : les industries polluantes, l’agriculture industrielle … Et nous devons bien l’admettre, l’économie du transport constitue une partie du problème. Mais c’est aussi une partie de la solution.
Le transport est une partie du problème
De tous les secteurs concernés, le transport est celui qui produit le plus de gaz à effet de serre en Belgique. C’est également l’un des rares secteurs où les émissions ont augmenté au cours des 30 dernières années.
Transport par route
Cette augmentation est largement imputable au transport par route, qui représentait, en 2019, 98,1 pour cent des émissions totales du transport pour le pays. La navigation intérieure n’atteint que 1,6 pour cent des émissions, le transport par le rail 0,3 pour cent. Le transfert modal reste clairement une priorité.
Navigation
Récemment, le conseil communal d’Amsterdam a décidé d’interdire les bateaux de croisière. Chaque année, une centaine de ces navires accostent dans le terminal de croisière d’Amsterdam Centraal. Lorsque j’étais en Australie en 2022, j’ai vu le même genre d’hôtels flottants amarré à Sydney. A Amsterdam, une large majorité du conseil communal était favorable à cette décision. Une étude avait démontré qu’un navire de taille aussi gigantesque rejette autant d’azote que 31.000 camions circulant sur le ring d’Amsterdam. Venise avait pris des mesures contre les navires de croisière deux ans plus tôt et a vu les émissions de CO2 baisser de 80 pour cent.
Transport aérien
Voler est d’après Greenpeace la forme de mobilité la plus préjudiciable en termes de climat. Les chiffres d’émissions officiels qui circulent au sujet de l’aéronautique (« à peine 2 pour cent des émissions totales ») sont selon eux trompeurs. Pour commencer, les effets climatiques des vols d’avions vont au-delà des seules émissions de CO2. Il faut tenir compte aussi des émissions d’oxyde d’azote (NOx). Les effets hors-CO2 sont deux fois pires que le seul impact du CO2 sur le réchauffement. L’aviation commerciale représentait, en 2018, 5,5 pour cent de l’ensemble du réchauffement de la terre causé par l’homme. De plus, l’aviation est l’une des causes d’émissions de CO2 augmentant le plus rapidement.
Un rapport publié récemment par Greenpeace montre que les spécialistes du low cost comme Ryanair et Wizz Air ne sont pas seulement les plus gros pollueurs. Ils sont également les champions de la politique antisociale. Au cours de la décennie écoulée, le consommateur s’est certes habitué à la notion de citytrips à des tarifs dérisoires, mais là aussi la race to the bottom a un prix. Et pas seulement pour le climat. Les conditions de travail dans le secteur aéronautique se sont sensiblement dégradées ces dernières années, à la suite de l’apparition de compagnies low cost comme Ryanair. Et nous en revenons ainsi au dumping social.
Nous connaissons l’attitude anti-syndicats du CEO de Ryanair Michael O’Leary. En 2012, il déclarait encore « qu’il gèlerait en enfer » avant qu’il reconnaisse les syndicats. Entre-temps, il a été contraint, sous la pression d’actions syndicales, de reconnaître les syndicats dans différents pays et de conclure des accords avec eux.
A son corps défendant, c’est sûr. On lui a en tout cas répondu du tac au tac. Durant l’été 2023, les pilotes belges de Ryanair sont partis en grève. Malgré les intimidations du management et l’utilisation de toutes les pratiques antisyndicales possibles, ils ont eu le courage d’aller jusqu’à la confrontation et d’arrêter le travail pendant plusieurs jours.
Hans Elsen, du syndicat ACV Pulse, a expliqué pourquoi les pilotes avaient fait grève en été : « Les pilotes n’acceptent pas la dénonciation d’une cct régissant les temps de travail et de repos. Ils exigent aussi le rétablissement des salaires, après avoir dû céder 20 % de leur salaire pendant la crise du Covid.»
A l’occasion de son congrès de 2022 à Budapest, l’ETF a par ailleurs mené des actions contre les pratiques antisyndicales de Wizz Air.
Le secteur du low cost utilise chaque faille dans la législation pour se montrer le plus compétitif possible et maintenir ainsi les prix au niveau le plus bas. Ce qui a naturellement des conséquences pour les travailleurs, qui en sont les premières victimes. Ces mêmes compagnies s’efforcent également d’interdire à leurs travailleurs de s’affilier à un syndicat. C’est naturellement illégal, mais la pression est grande.
En outre, beaucoup de travailleurs du secteur de l’aviation, surtout en Europe de l’Est, sont indépendants et ne bénéficient dès lors que d’une couverture sociale limitée. Ces mêmes compagnies aériennes touchent cependant souvent, directement ou indirectement, des subsides locaux ou régionaux considérables. En Belgique aussi, Ryanair, par exemple, est cajolé.
Même si le secteur aérien, selon les chiffres du Parlement de 2021, n’est responsable « que » d’environ 4 pour cent des émissions totales de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, les émissions de CO2 dans le secteur sont en augmentation constante. Les émissions de gaz à effet de serre provoquées par l’aviation et la navigation internationales ont progressé rapidement au cours des trois décennies écoulées, du fait de l’augmentation des échanges commerciaux et du nombre de passagers.
La navigation internationale est à l’origine de 3 pour cent des émissions mondiales de CO2 et représente 90 pour cent de l’ensemble du transport de marchandises.
… et une partie de la solution
Avec le Green Deal – un projet du commissaire européen Frans Timmermans – l’Europe semble fermement décidée à réduire les émissions de CO2. Ce deal a certes vu le jour dans une version édulcorée mais des initiatives sont prises.
Des combustibles durables dans la navigation …
Les navires de plus de 5.000 tonnes par exemple tomberont sous le coup du Système d’échange de quotas d’émissions en Europe (ETS). A partir de 2024, il faudra payer pour 40 pour cent des émissions de CO2, à partir de 2025 pour 70 pour cent et à partir de 2026 pour 100 pour cent. A court terme, les navires devront donc utiliser moins de carburant et du carburant plus propre. Les émissions peuvent déjà être directement réduites par des mesures techniques, pense le bureau de recherche CE Delft. En plus du moteur, des bateaux peuvent être propulsés par l’énergie éolienne grâce à un système de voiles. Du CO2 peut en outre être épargné en naviguant plus lentement et en utilisant moins d’énergie fossile polluante. Et au stade final, la navigation devra passer à l’usage de combustibles durables.
Le plus grand armateur de containers au monde, la société danoise Maersk, a entre-temps commandé 25 bateaux qui peuvent naviguer au méthanol. Le méthanol est « vert » quand il est fait d’hydrogène issu d’une électricité durable. Les navires sont hybrides et peuvent donc aussi fonctionner au mazout et au gasoil.
… à un transport public à des tarifs abordables
Un transport public pratiquant des tarifs abordables, efficient et suffisant, avec des moyens durables, constitue l’une des
solutions pour les villes bloquées par les files de personnes contraintes à utiliser des moyens de transport individuels pour
se rendre à leur travail. Les autobus peuvent parfaitement rouler à l’électricité ou à l’hydrogène. Et un seul bus peut transporter plus de 50 passagers. Cela peut retirer des centaines de voitures de la route. Nous devons donc non seulement nous battre pour des transports en commun dans l’intérêt des travailleurs des secteurs que nous représentons mais aussi si nous voulons une plus grande durabilité.
Actions climatiques : pas au détriment des travailleurs du transport !
Le défi qui occupe les syndicats en général et ceux du transport en particulier est de savoir qui va payer la facture des solutions élaborées pour faire face aux défis climatiques. Les travailleurs du transport ne peuvent pas payer la note de la crise du climat !
Qui va cracher l’argent pour investir dans la durabilité ? Le citoyen lambda ? Où va-t-on mettre à contribution ceux qui font des bénéfices (plantureux) en réalisant leurs activités économiques sans se soucier de la durabilité. Tiendra-t-on compte du contribuable ou de l’actionnaire ?
Il va de soi qu’il faudra de l’argent pour réaliser la brusque transition climatique. Cela ne pourra se faire qu’en prélevant des impôts : pas sur le travail mais sur la fortune et les transactions financières. Et quid des personnes actives qui perdent leur emploi avec la disparition des industries fortement polluantes ?
Si le secteur du transport est une partie du problème, cela signifie aussi que nous pouvons contribuer aux solutions à apporter. En passant par exemple par des innovations accélérées.
Nous devons interpeller les employeurs et les inciter à investir dans la durabilité, les camions électriques et l’usage de l’hydrogène comme carburant. Il y va de l’avenir de l’industrie où nous travaillons. S’accrocher aux anciens combustibles minéraux n’est pas un réflexe d’avenir. L’innovation est nécessaire si nous voulons que notre secteur survive.
Le défi climatique n’est pas mince, c’est clair. Que le transport en soit une cause majeure est tout aussi évident. Nous ne pouvons pourtant pas céder au pessimisme. Car quelles que soient l’ampleur et la portée de la problématique, un nombre aussi grand de possibilités existent.
‘Les travailleurs du transport ne peuvent pas payer la note de la crise du climat !’
JAN VILLADSEN
° 14.03.1957. Denemarken.
Voorzitter van de Deense vakbond 3F Transport.
Lid van het Management Committee en de Executive Board van zowel de European Transport Workers’ Federation (ETF) als van de International Transport Workers’ Federation (ITF).
‘En tant qu’ouvriers du transport, nous garantissons que nous sommes tous prêts à faire face aux prochaines années de transition, de développement et de changement.’
Fier que des éoliennes danoises de Vestas soient installées aux États-Unis et en Australie, qu’Orsted et Copenhagen Infrastructure Partners investissent des milliards de couronnes danoises dans des parcs éoliens et dans la distribution d’électricité verte et que Maersk, géant danois présent dans le monde entier, restructure sa flotte mondiale avec 25 nouveaux navires fonctionnant au méthanol vert. Il s’agit là de signes positifs et visibles du change- ment qui s’opère dans les modèles économiques du monde entier.
Malheureusement, si on regarde plus loin, tout n’est pas durable. Les autres leaders syndicaux danois et moi-même ne pouvons hélas pas nous reposer sur nos lauriers avec un air fier et attendre que les investissements danois contribuent à la transition écologique mondiale.
Maersk, Vestas et Orsted ont tous signé de bonnes cct pour leurs travailleurs au Danemark et des codes de conduite dans le reste du monde. Mais ce n’est pas toujours synonyme d’un comportement correct et durable à l’échelle globale. Cela doit changer. Et cela ne peut changer que par le biais de la coopération internationale et de l’action syndicale internationale.
C’est pour cette raison que mon syndicat, l’ITF et moi-même avons organisé une série de réunions entre les syndicats américains et australiens pour résoudre de nombreux conflits de travail inattendus concernant des cct et des accords applicables aux travailleurs du transport.
La transition écologique et les promesses de durabilité sonnent bien dans la bouche des acteurs mondiaux. Mais les mots ne suffisent pas, car les objectifs écologiques et les résultats ne garantissent pas à eux seuls des modèles économiques durables et un comportement juste et décent à l’égard des travailleurs.
l’ONU a fixé 17 objectifs contraignants pour le développement durable. Même si l’accent est souvent mis sur cette transition écologique, nous ne devons pas non plus oublier l’importance de l’enseignement, de la santé, de la protection sociale et de l’emploi dans cette transition. Car, finalement, tous ces objectifs sont liés.
La transition écologique ne peut se faire seule. Le monde a besoin d’une transition et d’une restructuration de l’économie pour devenir durable. Il est tout aussi important que tout le monde bénéficie d’une bonne éducation et de la formation nécessaire. Il est également important que nous ayons tous une vie et un travail décents. Tout le monde doit pouvoir se réjouir de l’avenir.
C’est pourquoi nous avons besoin des syndicats et de l’action syndicale mondiale pour les transitions à venir. Nous devons agir en tant que partenaires actifs et constructifs afin de garantir l’équité et la durabilité. Pour le climat et pour les êtres humains. Pour les travailleurs. Tant pour l’environnement que pour l’équilibre social. Les objectifs sont contraignants pour nous tous.
C’est pourquoi l’objectif 17 de l’ONU, à savoir des partenariats actifs, est particulièrement important. Une transition écologique et durable exige une participation active, des partenariats équitables et des compromis équilibrés de notre part à tous. Et en tant que syndicats, nous devons être prêts et nous tenir à une promesse claire :
En tant qu’ouvriers du transport, nous garantissons que nous sommes tous prêts à faire face aux prochaines années de transition, de développement et de changement. La seule chose que nous demandons est d’être entendus et invités à contribuer et à collaborer à la politique climatique mondiale et nationale pour les entreprises et le secteur du transport.
Le changement climatique ne doit pas devenir incontrôlable. Les ouvriers du transport, entre autres, offrent la garantie que ça n’arrivera pas, si nous nous impliquons activement dans le dialogue afin de trouver un nouvel accord équitable pour tous.