3. Race to the bottom au niveau mondial

Un seul mot d’ordre : toujours meilleur marché

Dans la navigation
En 2021, Troy Pearson (43 ans) et Charley Cragg (25 ans) ont perdu la vie à leur travail alors qu’ils remorquaient un ponton pour l’entreprise minière Rio Tinto au Canada. La mer était trop houleuse, le vent trop fort et leur bateau de remorquage trop frêle pour la circonstance. Leur employeur les avait quand même envoyés. La mort de Troy et Charley est une tragédie mais certainement pas un cas isolé.

Partout dans le monde, on demande aux équipages de remorqueurs de travailler plus longtemps en échange de salaires inférieurs. Certains ne touchent pas d’heures supplémentaires. Les périodes de repos ne sont pas respectées. Les accidents du travail ou quasi-accidents sont de plus en plus fréquents. Les connaissances nautiques des équipages sont ignorées. Stress. Fatigue. Dans le secteur du remorquage, la pression sur les prix est en effet énorme. Tout doit coûter moins cher et aller plus vite.

Comment en est-on arrivé là ? Le secteur du remorquage subit une énorme pression du fait de la concurrence déloyale. Les armateurs concluent des alliances, sont forts et peuvent imposer des tarifs déraisonnables aux compagnies de remorquage. Ce qui nuit à la sécurité des conditions de travail, qui deviennent carrément intenables. Les services de remorquage sont de moins en moins en mesure de survivre à la pression des tarifs en baisse et de la concurrence dans les ports. En Europe, le nombre d’acteurs majeurs est par exemple passé en moins de dix ans de dix à seulement trois, et deux d’entre eux appartiennent aux géants du secteur. On assiste clairement à une race to the bottom dans l’industrie du remorquage. Et pas seulement là.

‘Des gens restent parfois des mois à bord sans rentre chez elles. Si ce n’est pas du travail forcé, ça commence à y ressembler.

Dans l’aviation
Regardons maintenant du côté du secteur aérien … Pendant la crise du Covid, l’entreprise aéronautique australienne Qantas a supprimé illégalement 1.700 postes de bagagistes au sol. Ils ont fait comme s’il s’agissait d’une mesure d’économie indispensable sur les coûts, mais les syndicats savaient qu’elle était aussi dictée par le fait que les travailleurs de sous-traitants ne peuvent pas mener d’actions contre l’entreprise. Les camarades du TWU (le syndicat australien du transport) ont contesté la décision devant le tribunal du travail. Dans le même temps, Qantas n’occupe plus directement de personnel de cabine depuis 2008, préférant passer par 14 agences de recrutement. Le 23 septembre 2023, nos collègues du TWU ont remporté une victoire retentissante. La cour suprême australienne a décrété que les 1.700 licenciements étaient illégaux. Les actions payent !

Autre exemple : Avia Solutions Group de Lituanie. Cette entreprise a une série de marques dont Smart- Lynx ou KlasJet dans son portefeuille. En 2021, la Fédération de football a jugé bon de quitter sa compagnie attitrée (Brussels Airways, qui suit bel et bien les cct belges) au profit de KlasJet. Avia engage ses équipages via un bureau d’intérim installé aux Emirats Arabes Unis, mais ses avions sont basés dans de nombreux pays européens. L’ETF a introduit une plainte auprès de l’European Labour Agency contre les pratiques inquiétantes de la firme.

Et quid de P&O qui, le 17 mars 2022, a licencié sans un mot d’explication 786 marins par la diffusion d’un message vidéo, les remplaçant par la même occasion par des équipages meilleur marché provenant de pays à bas salaires ?

Dans le transport et la logistique
C’était en 2007 que Stefano Gebbia, un militant de l’Union belge du Transport, a pris la parole lors d’une assemblée nationale d’autres délégués syndicaux. Il voulait parler de Supertransport, l’entreprise pour laquelle il était chauffeur. L’entreprise approvisionnait alors la chaîne de magasins Carrefour. Il a décrit comment la direction faisait appel à des chauffeurs hongrois et a exprimé ses inquiétudes sur les bas salaires, les temps de travail plus longs et les conditions plus défavorables caractérisant ces chauffeurs. Il a également dit que cette pratique menaçait l‘emploi des chauffeurs belges. Il ne savait pas encore que ses paroles allaient par la suite s’avérer prophétiques.

Les chaînes de sous-traitance et les activités de transport, ainsi que, partant, les gens qui y travaillent, font face aujourd’hui à une forte
pression à cause de la race to the bottom organisée par les sociétés multinationales. Je les appelle les « employeurs économiques » : des entreprises qui n’emploient pas directement des chauffeurs, mais en sont bel et bien les donneurs d’ordres.

Le recours dans les pays d’Europe occidentale à des chauffeurs de pays à bas salaires d’Europe de l’Est est connu. Depuis des années, les syndicats dénoncent les pratiques de dumping social dans le transport routier. Ces pratiques sont uniquement dictées par les économies salariales. Et pour cela, on ne recule devant aucun moyen : installer des sociétés boîtes aux lettres, recourir à de faux indé- pendants, fouler aux pieds les lois (européennes) et les conventions collectives de travail nationales. Mais nous constatons également dans la navigation intérieure qu’un nombre croissant d’entreprises organisent un système de dumping social, en faisant par exemple appel à des matelots venus d’Europe de l’Est. L’industrie des croisières a elle aussi pleinement cédé à ce genre de pratiques. Des agences d’intérim douteuses interviennent régulièrement pour faire travailler du personnel de croisière ou des chauffeurs philippins bien en dessous des barèmes. Des personnes restent parfois des mois à bord sans rentrer chez elles. Si ce n’est pas du travail forcé, ça commence à y ressembler.

Il est évident que le dumping social est devenu une véritable plaie dans d’autres secteurs encore : songeons à l’industrie de transformation de la viande et au secteur de la construction. Pour de nombreuses activités, des systèmes institutionnalisés ont été mis en place sur une grande échelle afin d’occuper de la main-d’œuvre bon marché d’une façon pas toujours légale.

Directive due diligence (devoir de diligence)
Il est impératif que ces donneurs d’ordres soient rappelés à leurs responsabilités. Ils ne peuvent pas confier ouvertement du travail à des sous-traitants et faire pour le reste comme s’ils n’étaient nullement responsables de ce qui se passe dans la chaîne de transport. Il s’agit du devoir de due diligence : une notion extrêmement importante. En juin, le Parlement européen a conclu un accord provisoire sur la proposition d’une directive sur le devoir de diligence en Europe. Espérons que la directive sera adoptée avant la fin 2023.

Nous constatons en outre que l’intégration européenne n’est pas terminée en tant que projet politique. Des pays comme Malte, Chypre ou des Etats à moitié indépendants comme Madère bénéficient de toutes sortes de dérogations européennes dont les agences mafieuses abusent allègrement. Ainsi, l’obligation d’une couverture en matière de sécurité sociale ne s’applique-t-elle pas aux travailleurs provenant de Madère. Le personnel maritime européen naviguant sous ce pavillon ne peut donc pas se constituer de droits sociaux. Et à Chypre l’affiliation obligatoire à la sécurité sociale existe bien pour les ressortissants de l’UE mais elle n’est pas appliquée dans la pratique. Leurs services le reconnaissent d’ailleurs. L’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme interdit explicitement toute forme de travail forcé. Un pilier européen des droits sociaux devrait définir de façon plus claire ce que l’on entend par travail forcé. Malgré les nombreuses réunions européennes qui ont déjà eu lieu sur la question, j’ai le sentiment que l’on fait traîner les choses en longueur.

‘Il est impératif que ces donneurs d’ordres soient rappelés à leurs responsabilités. Il s’agit du devoir de due diligence : une notion extrêmement importante.

A l’extérieur de l’Europe aussi
Ce que l’on nomme dumping social en Europe n’est d’ailleurs pas un phénomène européen. Les Américains parlent de misclassification. Et le problème semble se manifester avec autant d’acuité dans le secteur du transport US qu’en Europe. Là, ce sont des chauffeurs américains qui se voient éjecter du marché par l’afflux de chauffeurs faussement indépendants, venus pour la plupart d’Amérique Latine.

Domingo Avalos, un de ces chauffeurs, livrait le témoignage suivant dans un article du LA Times : « La plupart d’entre nous sont originaires du Mexique ou d’Amérique Centrale. Nous ne sommes pas habitués à avoir droit à des moyens de protection sur le lieu de travail et la plupart d’entre nous ne parlent pas bien l’anglais. Les entreprises en profitent allègrement et nous traitent comme des travailleurs de second ordre. »

Les chauffeurs prestaient en moyenne onze heures par jour, six jours par semaine et touchaient un salaire à la pièce par chargement, quelle que soit la durée de livraison. Domingo ne voyait personnellement pas trop d’inconvénient à son statut de faux indépendant, jusqu’à ce qu’il soit victime d’un accident de travail et qu’il nécessite des soins médicaux. La facture de l’hôpital a vite grimpé à 2.000 dollars. Son employeur, XPO, ne s’est déclaré prêt à rembourser les frais médicaux qu’après l’intervention d’un avocat sur le dossier.

Victimes : les ouvriers et la sécurité sociale
Une race to the bottom est donc clairement en cours dans le transport routier. Ce dumping social crée essentiellement des perdants :

Les premières victimes sont les chauffeurs individuels des pays à bas salaires concernés. Ils travaillent finalement en dessous du tarif, prestent de (trop) longues journées de travail, reçoivent des temps de repos insuffisants et sont souvent tout bonnement exploités !

La deuxième catégorie de victimes est constituée des travailleurs du pays où ces travailleurs étrangers sont occupés. Ils risquent de perdre leur job parce qu’il est devenu trop cher. Et leurs conditions de rémunération et de travail sont mises sous tension. Pourquoi les employeurs payeraient-ils encore les salaires prévus dans les conventions collectives de travail nationales alors qu’ils peuvent s’en tirer à bien meilleur compte ?

Enfin, les régimes de sécurité sociale et les systèmes d’imposition sont les autres dindons de la farce. Car le travail (illégal) organisé dans le cadre du circuit noir ou gris ne donne pas lieu – ou si peu – à la perception de cotisation ou impôts. Avec toutes les conséquences que cela comporte pour les caisses de l’Etat. Le même problème se pose pour la sécurité sociale, qui se retrouve sous-financée sous la pression du dumping social. Et je ne parle même pas encore de la sécurité des autres usagers de la route.

Ceux qui ne voient là que des fantasmes syndicaux doivent retirer leurs œillères. Citons quelques faits concrets :

En février 2013, on a appris que la firme Dinotrans de Lettonie occupait massivement des chauffeurs philippins. Un transporteur néerlandais, Martin Wismans, travaillait aussi avec des chauffeurs philippins. Grâce au syndicat néerlandais FNV, une intervention énergique a eu lieu à l’époque et les chauffeurs ont pu bénéficier d’une protection à titre de victimes d’un trafic humain. Transport Wismans a perdu sa licence de transport.

A Padborg (Danemark), le syndicat danois 3F a découvert il y a cinq ans – en 2018 – un camp où des chauffeurs philippins séjournaient le week-end. Ils roulaient pour le transporteur danois Kurt Beier, via sa filiale polonaise. Les conditions de rémunération et de travail de ces chauffeurs étaient absolument honteuses. Ils gagnaient 2 EUR de l’heure et devaient loger dans une étable dont tout paysan qui se respecte n’aurait pas voulu pour ses bêtes.

Le gérant de quelques entreprises de transport belges a été condamné par contumace par le tribunal correctionnel de Bruges en mai 2022 à une année de peine de prison effective pour traite des êtres humains et dumping social. Il faisait bivouaquer des chauffeurs dans des conditions inhumaines sur un parking à Zeebruges. En 2018, il avait déjà été condamné par la Cour d’appel de Gand à huit mois pour des faits similaires. Lors de plusieurs contrôles entre 2015 et 2018, il s’est avéré selon l’auditorat du travail que le propriétaire utilisait diverses firmes boîtes aux lettres en Pologne et en Bulgarie. Toutes les activités des entreprises de transport se déroulaient toutefois en Belgique. A l’aide de ce montage, l’accusé parvenait à éluder les salaires minimums et les cotisations sociales belges. Un procès-verbal français allait également montrer qu’il avait recouru à la violence contre un travailleur.

En avril 2023, 70 chauffeurs des entreprises de transport polonaises LUK MAZ, AGMAZ et IMPERIA LOGISTYKA – toutes sous l’autorité du même chef d’entreprise – ont arrêté le travail. Ils l’ont fait parce qu’ils n’avaient plus été payés depuis plus d’un mois. Ils ont garé leurs camions sur un parking situé dans la commune allemande de Gräfenhausen au bord de l’ A5, près de Weiterstadt. Des chauffeurs d’Europe de l’Est arrêtant le travail parce qu’ils en ont vraiment marre d’être exploités : le fait est historique.

Il est apparu qu’ils avaient affaire à un employeur qui n’hésite pas à faire usage des grands moyens lorsqu’il a tenté d’intimider les chauffeurs grévistes en faisant intervenir une milice privée. Arrivés en véhicules blindés et tenue de combat intégrale, les membres de la milice avaient reçu pour mission de menacer les chauffeurs de poids lourds et de faire, au besoin, usage de la violence pour emporter les camions. Heureusement, la police était présente et est parvenue à régler le conflit en arrêtant dix-neuf personnes, parmi lesquelles le propriétaire de l’entreprise polonaise de transport.

Les chauffeurs roulaient en sous-traitance pour des grandes entreprises comme IKEA, Volkswagen, DHL, LKW Walter, sennder Technologies et CH Robinson. Ce qui prouve une fois encore que les sociétés multinationales ont une responsabilité écrasante lorsqu’il est question d’exploitation dans la chaîne de transport. Ces acteurs économiques ont la clé en main pour faire cesser cette exploitation et ce dumping social. Dans leur race to the bottom du transport toujours meilleur marché, l’exploitation et les activités criminelles sont la seule façon pour satisfaire à ces tarifs beaucoup trop bas. Cela doit cesser d’urgence.

Durant l’été 2023, une deuxième action de grève a éclaté : plus de 120 chauffeurs d’AGMAZ, LUK MAZ et IMPERIA LOGISTYKA ont arrêté le travail pendant six semaines. Ce ne sera pas la dernière grève.

‘Je plaide pour un code de sanction européen précis concernant le non-paiement de salaires corrects, ainsi que pour des règles bien définies sur les possibilités de dormir pour le personnel.’

Paquet Mobilité de l’UE et Autorité européenne du travail
Sous la pression syndicale, l’UE a adopté un Paquet Mobilité. Il implique que les abus en matière de dumping social doivent – en théorie – pouvoir être mieux combattus. Malheureusement, nous voyons que toutes ces règles européennes n’ont toujours pas été transposées dans les législations nationales et sont trop peu respectées.

C’est également sous l’influence de l’action syndicale qu’une Autorité européenne du travail a été créée par l’ex-Commissaire européenne Marianne Thyssen. Et bien qu’il ne s’agisse pas d’un véritable service d’inspection sociale tel que les syndicalistes auraient aimé le voir, il pourrait être un instrument permettant d’avoir une prise sur le dumping social par des contrôles meilleurs et plus nombreux.

En outre, je plaide pour un code de sanction européen précis concernant le non-paiement de salaires corrects, ainsi que pour des règles bien définies sur les possibilités de dormir pour le personnel.

Les dysfonctionnements ne se limitent pas au secteur du transport

Le récit des 3 Bengalis Nasir Uddin, Roman Joy et Afrose Khan a été publié le 5 octobre 2022 dans le magazine belge Knack. Ces trois trentenaires avaient une famille à entretenir à Dhaka et Brahmanbaria au Bangladesh.

Il s’agissait de soudeurs diplômés ayant cherché et trouvé du travail à l’étranger via Raj Bhar, une sorte de bureau d’intérim. Ils voulaient gagner de l’argent afin d’offrir une meilleure vie à leurs enfants. A l’issue de longues pérégrinations – ils n’étaient pas payés et devaient travailler dans des conditions déplorables – ils ont fini par atterrir en Belgique via Budapest et Porto.

L’entreprise chimique Borealis était occupée à construire dans le port d’Anvers. Ils ont pour cela fait appel au groupe de construction italien IREM-Ponticelli. Par le biais d’un enchevêtrement de sous-traitants, des ouvriers étrangers ont été utilisés sur ce chantier de construction.

Mais les services d’inspection belges ont été alertés sur ce qui se passait et sont intervenus. Heureusement !

Le récit de Nasir, Roman et Afrose était celui d’une exploitation, d’un esclavage moderne et même d’une pure traite des êtres humains. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les instances judiciaires belges. 45 ouvriers philippins, 30 Bengalis et 70 Turcs ont été reconnus comme victimes de trafic humain. Des ouvriers ukrainiens étaient d’ailleurs aussi impliqués.

Tous largement sous-payés, ils ne touchaient même pas les salaires qui avaient été convenus, à peine la moitié. Ils recevaient 6,90 EUR de l’heure, soit un peu plus que la moitié du salaire minimum légal en Belgique, et beaucoup moins que ce qui doit être versé en vertu de la cct du secteur de la construction. Ils étaient logés dans des conditions épouvantables et devaient prester des horaires de travail extrêmement longs. Des journées de travail de 11,5 heures étaient la règle fixe.

Borealis, qui était pourtant maître d’œuvre et donneur d’ordres, a même nié toute implication ou responsabilité dans les dérives constatées. Quand le dossier est arrivé dans la presse, ils ont cassé le contrat avec leur sous-traitant IREM-Ponticelli, qui jouait lui aussi les vierges effarouchées, imputant allègrement la responsabilité de ces dysfonctionnements à leurs propres sous-traitants. Une procédure judiciaire est actuellement en cours en Belgique et il faudra certainement encore beaucoup de temps avant que les responsabilités définitives soient établies. Cela illustre toutefois bien que les donneurs d’ordres doivent être placés devant leurs responsabilités dans l’ensemble de la chaîne de la sous-traitance.

Responsabiliser les donneurs d’ordres

Un T-shirt « in » pour 2 EUR. Un nouveau pantalon pour à peine 10 EUR. Comment de tels prix sont-ils possibles ? Parce quelque part au Bangladesh ou ailleurs dans le monde des centaines de travailleurs – souvent des femmes et même des enfants – sont occupés dans des conditions effroyables dans les sweatshops. Le drame de Rana Plaza, il y a dix ans, est encore frais dans nos mémoires.

Rana Plaza
Le 24 avril 2013, un immeuble de huit étages s’est effondré au Bangladesh : Rana Plaza. Lors de l’effondrement de l’usine textile, 1.134 des 5.000 personnes occupées ont été tuées et environ 2.500 autres blessées. En termes de victimes, cet effondrement est considéré comme la pire catastrophe dans une usine textile et comme la pire catastrophe immobilière de l’histoire moderne. La cause de la catastrophe résidait surtout dans des pratiques d’affaires douteuses, la négligence et la corruption des autorités en vue de réaliser un profit maximal.

Les usines Rana Plaza produisaient entre autres pour Benetton, Le Bon Marché, Cato Fashions, The Children’s Place, El Corte Inglés, Joe Fresh, Mango, Matalan, Primark et Walmart. Le seul résultat tangible pour les travailleurs depuis le drame est l’‘Accord on Fire and Building Safety’ au Bangladesh, un accord sur la sécurité incendie et la sécurité des bâtiments. Sous la surveillance neutre de l’Organisation Internationale du Travail, quelque 200 marques de mode, des syndicats bengalis et des Global Unions ont signé cet accord. L’accord est arrivé à échéance en 2021 et a donné lieu ensuite à la création du RMG Sustainability Council, un organe qui s’occupe exclusivement de la sécurité des bâtiments. C’est déjà ça, mais un problème beaucoup plus important n’a pas été abordé dans l’aventure: l’exploitation des travailleurs, surtout des femmes

Entre-temps, dix ans ont passé depuis Rana Plaza, et on pourrait croire que tout est rentré dans l’ordre. A tort, car l’organisation britannique des droits de l’homme, Business & Human Rights Resource Centre, a recensé, entre 2022 et février 2023, 156 abus dans 124 usines du secteur textile à Myanmar. Ce qui n’a donné lieu qu’à 56 plaintes l’année suivante. Il y a donc un problème. Leurs constatations : des salaires trop bas, une réduction unilatérale des salaires, des vols de paye, des licenciements abusifs et des heures supplémentaires forcées. Les usines en question travaillent surtout pour H&M et pour Inditex (qui regroupe entre autres Zara). Ces marques de vêtements ont dès lors décidé de mettre fin à leur collaboration à Myanmar, après que d’autres marques ont décidé de faire de même. Non, ce n’est donc pas fini, cela ne va pas mieux.

Foxconn
Chez Foxconn aussi, une entreprise taïwanaise qui est fournisseur principal d’Apple et produit en Chine, la situation était catastrophique. Pendant la pandémie de Covid, l’entreprise a été maintenue pendant des mois avec 200.000 collaborateurs dans un système de boucle fermée. L’entreprise était coupée du monde extérieur pour empêcher des contaminations en interne. Lorsque des cas se sont quand même déclarés, les travailleurs testés positifs ont été placés en quarantaine sans nourriture suffisante ni soins médicaux.

Due diligence : vers une chaîne de sous-traitance équitable
Il est temps de ne pas seulement regarder du côté de celui qui organise lui-même l’exploitation. Les donneurs d’ordre doivent aussi être passés à la loupe ! Ce n’est que lorsque les donneurs d’ordres payeront un prix convenable pour les services fournis que le dumping social pourra être stoppé.

C’est pourquoi ces donneurs d’ordres économiques doivent d’urgence payer de meilleurs tarifs. Dans le secteur du transport aussi. Aussi longtemps qu’ils continuent à se dérober à leurs responsabilités en continuant à casser les prix, seuls des transporteurs criminels exploitant ces chauffeurs et bafouant toutes les règles pourront continuer à exécuter ces missions. Il est grand temps que l’Europe opte pour une autre approche.

La due diligence ou devoir de diligence en français doit devenir une pratique immuable dans la vie économique. Les sociétés multinationales qui sous-traitent du travail doivent assumer le comportement (les dérives) de leurs sous-traitants. Est-ce déraisonnable de réclamer la due diligence de la part des donneurs d’ordres ? Est-ce exagéré de demander aux grandes multinationales de nettoyer leur chaîne de livraison ? D’assumer la responsabilité de ce qui s’y produit, même lorsqu’elles sous- traitent leurs activités de logistique et de transport. Non, certainement pas !

Il y a encore une autre raison d’amener l’équité dans la chaîne de transport : l’existence de conditions de rémunération et de travail convenables est dans notre intérêt à tous. La Fédération internationale des ouvriers du transport parle de fair wages. Un chauffeur poids lourd qui doit prester de plus en plus d’heures pour un salaire de misère constitue un danger pour la sécurité routière. Pour lui-même et pour les autres.

Une action contre l’esclavage moderne s’impose d’urgence
Il est donc évident qu’il reste beaucoup de pain sur la planche ! L’Organisation Internationale du Travail indique que le phénomène mondial de l’esclavage moderne s’est aggravé ces dernières années. Des groupes spécifiques sont particulièrement vulnérables : femmes, enfants, migrants sans papiers, réfugiés, etc. Il s’agit du travail forcé, des mariages en blanc, de l’exploitation sexuelle commerciale et d’autres horreurs. Encore un chiffre : 12 pour cent des personnes prestant du travail forcé sont des enfants.

Après la pandémie, nous avons été confrontés à une pénurie de personnel dans la plupart des secteurs de transport. Mais il ne s’agit pas en fait d’un manque de personnel, mais plutôt d’un manque d’emplois de qualité. C’est une menace pour le secteur, mais une chance pour les travailleurs et leurs syndicats. Cela nous donne la possibilité de négocier des conditions de travail attrayantes et de bons salaires. Le transport ne peut jamais être gratuit. Tout a un prix. Surtout si notre objectif est d’aboutir à un mode de transport honnête avec des tarifs garantis, des salaires convenables et des conditions de travail favorables et sûres. Il est temps de convaincre aussi les employeurs de notre secteur que la présence de bonnes conditions de travail et de salaires convenables va de pair avec la possibilité de trouver et garder du personnel motivé.

JOHN CROMBEZ
°19/09/1973. Belgique.
Docteur en économie. Chercheur et professeur en économie de la santé. Ancien secrétaire d’État à la Lutte contre la fraude sociale et fiscale et ancien président du parti socialiste flamand.

‘Les petits entrepreneurs sont aussi écartés par la concurrence jusqu’à ce que tout lien social disparaisse et que l’on ne puisse plus s’adresser qu’aux cabinets d’avocats onéreux des géants qui subsistent.

JOHN CROMBEZ

Il y a cent ans, pendant les années 1920, le mécontentement régnait car une minorité s’enrichissait tandis que la majorité gagnait trop peu. Ce mécontentement s’est traduit par une société chaotique avec, comme point d’orgue, le krach boursier de 1929. Les économies développées autoproclamées du monde entier ont ensuite été frappées par la famine et la mort. Ce n’est qu’à la suite de ce désastre qu’une volonté de changer le système est née parmi les dirigeants politiques du monde entier. Des lois ont été édictées afin de limiter la concentration du marché et du pouvoir ainsi que l’accumulation de capital entre les mains d’une minorité. Et surtout : les richesses ont été redistribuées. Les cotisations salariales ont été introduites pour assurer la population contre les difficultés, la maladie ou l’invalidité. Les coûts salariaux ont augmenté, mais une marge a été créée pour que les travailleurs puissent se construire. La sécurité sociale n’a que quatre-vingts ans environ.

À l’heure actuelle, on nous répète sans cesse que les coûts salariaux sont néfastes pour l’économie. Pourtant, si nous nous intéressons à ce qui est arrivé à l’économie après l’augmentation des coûts salariaux (redistribution des ressources, protection des travailleurs et limitation du pouvoir et de la puissance du capital), nous constatons que les 30 années suivantes ont été marquées par une productivité économique des plus élevées. Cette période montre également que dans les économies occidentales, la productivité n’a jamais été aussi élevée qu’à l’époque où le taux d’affiliation syndicale était le plus élevé. Face à un tel constat, on pourrait penser qu’un nouveau modèle bénéficiant aux travailleurs, aux indépendants et aux entrepreneurs a été trouvé, un modèle qui, de ce fait, serait pérenne. D’autant plus que les entrepreneurs et les ouvriers l’ont élaboré ensemble.

Mais il n’en est rien. Alors qu’au 19e siècle, seuls 2 pour cent de la population pouvaient voter et détenait le capital, les 2 pour cent de grands actionnaires s’insurgeaient contre l’avancée du peuple. Ils ont adopté un nouveau discours et formé de nouveaux porte-paroles. Margaret Thatcher, Ronald Reagan et compagnie ont créé un nouveau modèle qui allait favoriser la mondialisation, apporter la prospérité, diminuer les coûts et grâce auquel les travailleurs avanceraient en même temps que l’économie mondiale. La théorie du ruissellement. Ils ont réussi : l’accumulation du capital et de la propriété a été abandonnée, le gouvernement s’est effacé et a dérèglementé et même les sociaux-démocrates ont suivi sur la troisième voie. Le système a été mis en œuvre avec succès et a fait en sorte que la part de l’économie accaparée par les 20 pour cent les plus riches aux États-Unis, par exemple, n’a jamais été aussi élevée qu’aujourd’hui.

Mais quel paradoxe. Les actionnaires ont abandonné le modèle avec la productivité économique la plus élevée car une part trop importante du produit économique se retrouvait entre les mains d’une trop grande portion de la population. Dans une grande mesure, ils l’ont même fait pour contrer l’entrepreneuriat. Les salaires et les conditions de travail étaient alors les seules choses qui « ruisselaient » vers le bas. Après sa création, l’Union européenne a accéléré ce nivellement vers le bas en ouvrant le marché du travail européen de manière non réglementée. Et elle est allée encore plus loin. Avec le CETA, les actionnaires voulaient, lorsqu’un gouvernement réglementait au profit de l’économie, pouvoir exiger des sommes sur les bénéfices qu’ils ne pouvaient pas réaliser en raison de la réglementation gouvernementale.

Et ça continue. Cette course vers le bas implique la popularisation des actions pour que de nombreuses personnes se sentent concernées lorsqu’il est question d’actionnaires. Les tentatives de mondialisation et de dérèglementation se poursuivent. Les économies sur le modèle social étendu se pour- suivent. Et dans de nombreux secteurs, comme le transport, la construction et d’autres, cela signifie littéralement non seulement que les travailleurs sont perdants, mais aussi que même les entreprises les plus petites sont éliminées par la concurrence. Pour qu’ensuite, ce soit le tour des entreprises un peu plus grandes. Jusqu’à ce que tout lien social disparaisse et que l’on ne puisse plus s’adresser qu’aux cabinets d’avocats onéreux des géants qui subsistent. Il est temps d’établir de nouvelles règles de redistribution pour protéger les travailleurs et les entrepreneurs et peut-être que ces derniers devraient de nouveau les écrire ensemble.

CHRISTINE BEHLE
°12/07/1968. Allemagne.
Vice-présidente du syndicat allemand ver.di. Responsable du département des services publics et privés, de la sécurité sociale et du transport. Membre du Executive Board de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). Membre du Supervisory Board de Lufthansa AG et de Bremer Lagerhaus-Gesellschaft AG.

‘Les syndicats doivent créer des liens mutuels, à travers les secteurs.

CHRISTINE BEHLE

Les syndicats doivent être présents pour leurs membres et les travailleurs. Les délégués syndicaux sur le lieu de travail et les représentants syndicaux dans les conseils d’entreprise sont à l’écoute et se penchent sur des préoccupations très concrètes de la vie quotidienne. Ils s’assurent que les dispositions des conventions collectives de travail, la réglementation et les prescriptions en matière de santé et de sécurité sont appliquées et respectées.

Les syndicats doivent créer des liens mutuels, à travers les secteurs et au niveau national, tel que ver.di dans le DGB, mais aussi au sein du secteur et au niveau européen et international. En effet, les règles concrètes relatives aux conditions de travail ne sont souvent pas décidées au niveau national, mais bien au niveau européen ou international. Les stratégies, en particulier de grandes entreprises souvent actives à l’international, ne se concentrent plus sur un seul pays depuis longtemps.

Il existe une multitude d’exemples dans le monde entier de machinations semi-légales voire criminelles dans le secteur du transport, mais également dans d’autres secteurs. Par exemple, la manière dont les salaires tombent sous le seuil légal ou convenu collectivement en raison des faux indépendants et de l’absence de règles claires dans les contrats de travail, souvent combinés à des horaires de travail trop longs et non déclarés et à des indemnités douteuses pour des prétendus frais ou véhicules endommagés.

Tout comme l’Union Belge du Transport, ver.di se bat pour une meilleure réglementation et le respect de celle-ci à tous les niveaux, par exemple, dans le secteur du transport :

– au niveau international via la campagne de l’ITF contre les pavillons de complaisance dans le secteur de la navigation ;

– au niveau européen pour une directive européenne ambitieuse en matière de chaînes d’approvisionnement (qui, espérons-le, améliorera la réglementation allemande) et pour un paquet mobilité ambitieux qui définit des règles essentielles sur les temps de conduite et de repos, les tachygraphes, le détachement, le cabotage et les licences professionnelles dans le secteur du transport par camions et par autobus ;

– au niveau national, par exemple, à propos de la convention collective de travail pour le transport local (TV-N), pour laquelle nous préparons actuellement une nouvelle séance de négociations collectives en collaboration avec le mouvement pour le climat.

Ce livre met le doigt sur la plaie : une réglementation exigeante doit être imposée politiquement, au niveau de l’entreprise et au niveau national, mais surtout, dans le secteur du transport, aussi au niveau européen et international. Il s’agit souvent d’une tâche sisyphéenne, mais qui est nécessaire.
Il est important de contrôler constamment les nombreuses stratégies d’entreprise malhonnêtes et d’y mettre fin. Frank mentionne les grèves des chauffeurs de poids lourds d’Europe de l’Est sur le parking le long de l’autoroute allemande à Gräfenhausen. Ces actions ont été résolument soutenues par la participation active de ver.di via le réseau du DGB, Fair Mobility, et, plus récemment, par le DGB à la Hesse et Thuringe, avec, comme première victoire, le paiement des arriérés de salaire. Cela montre que les donneurs d’ordre des chaînes d’approvisionnement mondiales jouent un rôle déterminant et occupent les places les plus importantes dans le processus décisionnel.

Luttons ensemble au sein de l’ETF et de l’ITF. Ensemble, nous pouvons mettre fin à la course vers le bas et lancer une course vers les meilleures conditions.

GIANNI DE VLAMINCK
°12/06/1971. Belgique.
Secrétaire fédéral de la Centrale générale-FGTB Secteurs de la construction et du bois. Membre du Comité exécutif de la Fédération européenne des Travailleurs du Bâtiment et du Bois (FETBB). Membre du Comité mondial de l’Internationale des Travailleurs du Bâtiment et du Bois (IBB).

‘Davantage d’investissements dans les services d’inspection sociale, une limitation de la chaîne de sous-traitance et la responsabilité solidaire du donneur d’ordre principal sont des demandes légitimes.

GIANNI DE VLAMINCK

Il y a presque vingt ans, lors de la première vague de détachement, des dizaines de milliers d’emplois réguliers ont été supprimés dans le secteur de la construction belge. Cela a contraint les partenaires sociaux belges à prendre des mesures au niveau du fonds social dans le secteur, mais aussi des mesures pour contrôler le détachement et surtout pour tenter de lutter contre les abus.

Bien que, lors des premières vagues de détachement, les obligations administratives étaient encore garanties par les employeurs concernés, nous avons rapidement constaté l’apparition d’autres phénomènes sur nos chantiers. De plus en plus de (faux) indépendants, de cas de dumping social et de situations qui ont carré- ment dévoilé des circuits criminels.

Lorsqu’en juin 2021, une école primaire en construction dans le quartier de Nieuw-Zuid à Anvers s’est effondrée, l’ensemble du mouvement syndical du secteur de la construction belge a été rappelé à la réalité. Plusieurs personnes ont perdu la vie, dont certaines d’origine portugaise ou ukrainienne, et des travailleurs sont devenus handicapés à vie. L’identification des victimes a littéralement pris deux jours. Des centaines de prestataires travaillaient sur ce chantier, dont beaucoup en tant que sous-traitants. La plupart d’entre eux n’étaient même pas au courant, mais ils avaient signé un contrat les rendant propriétaires d’une part de l’entreprise pour laquelle ils travaillaient.

C’est ainsi que nous avons compris que la directive sur le détachement devenait peu à peu une mesure utilisée par des personnes véreuses pour organiser un dumping social sur des chantiers de construction en Belgique et dans toute l’Europe occidentale dans le seul but de gagner rapidement de l’argent, sans se préoccuper de la sécurité et de la santé des travailleurs.

Progressivement, nous rencontrions aussi de plus en plus de ressortissants de pays tiers sur nos chantiers. Des personnes extérieures à l’Union européenne qui, par le biais d’un État membre, recevaient des permis de travail et de séjour pour travailler dans des pays de l’UE. Le nombre de travailleurs détachés diminuait de nouveau tandis que le nombre de travailleurs victimes de dumping social continuait d’augmenter.

Davantage d’investissements dans les services d’inspection sociale, une limitation de la chaîne de sous-traitance et la responsabilité solidaire du donneur d’ordre principal sont des demandes légitimes de la FGTB Construction. Sans progrès suffisants dans ces trois domaines, nous ne pourrons pas mettre fin aux abus dont sont victimes les travailleurs dans nos secteurs.

Ce fut un triste réveil lorsque la presse m’a demandé, le deuxième jour de mes vacances d’été en 2022, ce que je pensais de l’affaire Borealis. Selon nous, l’objectif de l’UE n’a jamais été que des travailleurs originaires, par exemple, des Philippines ou du Bangladesh travaillent en Belgique pour moins de la moitié du salaire minimum légal. L’une des victimes a déclaré par la suite qu’elle avait également travaillé dans le secteur de la construction au Qatar. Elle a affirmé y avoir été mieux traitée, mieux logée et mieux rémunérée. Il n’existe pas d’exemple plus criant que celui-ci pour ramener les pieds sur terre à un syndicaliste en Belgique, un pays qui connaît un taux de syndicalisation de près de 95 pour cent dans le secteur de la construction.

La solution à ce problème sera européenne ou internationale ou elle ne sera pas. Le capital, tout comme le travail, ne s’arrête plus aux frontières d’un pays, d’une union ou d’un continent. Le mouvement syndical devra répondre à cette évolution à un niveau international. Se replier sur son pays ou sa fédération n’apportera plus de solutions.

Nos actions avec la Fédération européenne des Travailleurs du Bâtiment et du Bois (FETBB) et l’Internationale des Travailleurs du Bâtiment et du Bois (IBB) sont inconnues de beaucoup de nos militants, sans parler de nos membres. Nous devons parler davantage de ce que nous faisons et, évidemment, aussi faire ce que nous disons. Je voudrais mentionner ici l’exemple de la Campagne sport de l’IBB. À l’avenir, un tournoi international pourra-t-il encore être organisé sans que les droits des travailleurs ne soient massivement bafoués au préalable ? L’IBB et notre fédération Centrale Générale-FGTB mettent le doigt sur la plaie, mais après la désignation du Qatar comme hôte de la Coupe du monde de football, nous avons crié pendant des années…dans le vide. La FIFA n’a pas voulu nous recevoir, le Qatar nous disait que tout allait bien et les médias ne se sont réveillés qu’environ deux ans avant le lancement de la compétition. Idem pour les chantiers des Jeux Olympiques de Paris et bientôt, ceux de la Coupe du monde de football aux États-Unis, au Mexique et au Canada (2026), etc.

Ce livre met en évidence des problèmes et des défis, mais propose également des solutions et décrit avec clarté les enjeux pour le syndicalisme national et international. Dans le cadre de nos activités internationales, nous constatons à chaque fois que les droits des travailleurs sont généralement, si pas toujours, la dernière chose sur laquelle les investisseurs s’attardent. Alors si les syndicats et les syndicalistes ne se préoccupent plus du sort de millions de travailleurs, qui le fera ? Nous avons identifié les défis, nous devons maintenant les relever ensemble.